
La réalisatrice palmée, Julia Ducournau, est de retour au Festival de Cannes afin de présenter Alpha. Brillamment incarné par son trio de tête, le film déçoit cependant par sa narration confuse. Critique.
Elle est de retour. Après avoir marqué le Festival de Cannes en 2021 avec Titane, Julia Ducournau a présenté sur la Croisette son nouveau long-métrage : Alpha. La réalisatrice française, adepte du cinéma de genre et du body-horror a ainsi ouvert la deuxième semaine de compétition officielle entourée de son casting. Tahar Rahim, Golshifteh Farahani ainsi que la révélation, Mélissa Boros, étaient, en effet, présents sur les marches cannoises.
Toutefois, celle et ceux qui espéraient un troisième long-métrage choc comme l’étaient Grave (2016) et Titane seront sûrement déçus. Avec Alpha, la réalisatrice poursuit ses thématiques tout en filmant, cette fois-ci, le récit d’apprentissage d’Alpha (Mélissa Boros), une adolescente de 13 ans, vivant seule avec sa mère. Seulement leur monde va basculer le jour où la jeune fille rentre avec un tatouage au bras alors que circule une étrange maladie.

Un casting convaincant
L’équilibre familial va également être bousculé par l’arrivée de l’oncle d’Alpha incarné par Tahar Rahim. Après avoir donné de la voix dans Monsieur Azanavour (2024), l’acteur révélé au Festival de Cannes pour Un prophète (2009) s’est investi corps et âme dans le film de Julia Ducournau.
Traits tirés, muscles asséchés, sourire carnassier… Tahar Rahim livre une performance saisissante dans le rôle d’Amin ; un addict atteint d’un virus mortel face à une Golshifteh Farahani en mère courage. Bien décidée à sauver son frère ainsi que sa fille, l’actrice impressionne par son jeu aussi émouvant qu’habité tandis que Mélissa Boros, véritable révélation du film, interprète une jeune fille perturbée qui tente de naviguer à travers l’adolescence.
Julia Ducournau filme une nouvelle fois le destin d’un personnage féminin fort mais torturé. Toutefois, en se plaçant à « hauteur d’enfant », la réalisatrice offre un long-métrage plus sensible. Bien qu’Alpha s’autorise quelques séquences nerveuses — à coups d’aiguilles plantées dans l’épiderme ou de nerfs cervicaux saillants — la cinéaste semble renier sa radicalité passée en proposant son film le plus cérébral et symbolique. Preuve que la réalisatrice est capable de réinventer son propos et son cinéma, mais à quel prix ?

Trop confus
Si avec Alpha, Julia Ducournau donne une autre dimension à son univers cinématographique, la réalisatrice se perd toutefois dans sa démonstration. Là où l’aspect métaphorique de la première partie du film apporte de la profondeur à ce coming-of-age unique, la seconde moitié souffre d’un script trop confus. L’intérêt scénaristique se noie alors dans les va-et-vient narratifs entre le passé et le présent.
Il en ressort un amoncellement de séquences incompréhensibles dans lesquelles le rêve et la réalité se confondent, sans jamais apporter de réponse concrète ni de résolution aux spectateurs. Bien que la symbolique soit largement identifiable à travers le thème du sida, Alpha souffre ainsi d’un problème majeur de narration.

Avec ce troisième long-métrage, la réalisatrice a déçu la Croisette pour son grand retour. Malgré une photographie bluffante et un travail sur le son soigné — offrant à nouveau une expérience cinématographique sensorielle — Julia Ducournau ne parvient jamais à capter pleinement notre attention. Une déception quand on sait l’attente que représentait le film dans la compétition officielle. Celle qui s’est fait connaître pour son style total, profond, parfois dérangeant, semble s’assagir. Après la claque de Titane, difficile de voir la cinéaste répartir avec une seconde Palme d’or.