
Présenté au Festival de Cannes 2025, Fuori signe le retour de Valeria Golino dans un film féministe mais un peu trop sage. Critique.
Goliarda Sapienza a marqué la littérature italienne grâce à son chef-d’œuvre L’art de la joie (1994). Honorée à titre posthume pour ses ouvrages grâce au travail acharné de son mari, c’est aujourd’hui Mario Martone qui entend replacer au centre de l’écran la légende italienne. Incarnée par Valeria Golino, l’autrice a été ressuscitée au Festival de Cannes, en compétition officielle.
Pour l’occasion, le réalisateur a choisi de mettre en scène un biopic pas comme les autres. En se concentrant sur la sortie de prison de son héroïne, accusée dans les années 1980 d’avoir volé des bijoux, Mario Martone dresse avant tout le portrait d’une femme en reconstruction et la sororité éternelle entre les détenues. Bien qu’il aborde en filigrane l’œuvre de Sapienza, le cinéaste a souhaité, à travers ce film, se concentrer sur la femme derrière la légende. Une sorte d’héroïne tragique passée par la case prison à cause d’une faute irréfléchie, qui va tenter de retrouver le goût de l’écriture après des années de refus et de déconvenues.
Portrait de femme
Pour prêter ses traits à Sapienza, le metteur en scène a choisi Valeria Golino ; muse italienne par excellence qui, dans le film, donne à voir une femme brisée qui va tenter de retrouver la flamme. Pour cela, Mario Martone filme l’amour naissant de l’autrice pour une ancienne détenue, Roberta (Matilda De Angelis), engagée politiquement, qui se battra toute sa vie pour la reconnaissance des droits des prisonnier·ères en Italie. Un combat national qui nourrira l’œuvre de Sapienza avant sa disparition.
Tantôt toxique, tantôt fusionnelle, la relation des deux femmes est au centre de l’histoire et offre une dualité passionnante au long-métrage. Valeria Golino, à la fois figure maternelle et amante en quête de liberté, est désarmante de naturel. C’est l’un de ses plus beaux rôles.
Matilda De Angelis, elle, est incandescente, s’autorisant de grands monologues et des envolées lyriques étourdissantes façon dolce vita. Autour des deux protagonistes, le film, indubitablement féministe, présente une galerie de personnages éclectiques : une junkie, une opposante politique, ou encore une petite frappe.
Trop sage
Ceci étant dit, le film apparaît un peu sage pour la compétition officielle. Malgré une reconstitution plaisante des années 1980 italiennes, ainsi que des moments rythmés entre le passé de prisonnière de Sapienza et sa renaissance en tant qu’artiste, Fuori manque d’étincelle pour vraiment nous prendre aux tripes. Bien que le long-métrage raconte la quête d’inspiration, la reconnaissance des artistes ainsi que la résilience féminine, Mario Martone se fait prendre à son propre piège en offrant un film d’auteur plat, dans lequel on a du mal à vraiment situer l’état du pays à l’époque, ou bien à comprendre les désirs et motivations de certains personnages.
Quand plusieurs films de la compétition cannoise donnent à voir l’impact de l’art sur nos vies, Fuori ne l’aborde qu’en filigrane, préférant le portrait – légitime – de femmes italiennes dans un film, certes, important sur ce qu’il raconte politiquement, mais artistiquement trop dénué d’ingéniosité ou de surprise. Dommage.