Critique

Un simple accident au Festival de Cannes : quand Jafar Panahi raconte les traumatismes

23 mai 2025
Par Lisa Muratore
“Un simple accident” de Jafar Panahi.
“Un simple accident” de Jafar Panahi. ©Jafar Panahi

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, Un simple accident est une plongée dans les traumatismes humains et personnels de Jafar Panahi, réalisateur iranien qui a toujours eu à cœur de dénoncer le régime autoritaire de son pays natal.

Depuis sa présentation cannoise, on parle d’Un simple accident comme d’une potentielle Palme d’or. Il faut dire que le point de départ du film de Jafar Panahi est plutôt intéressant. Resté très évasif durant la conférence de presse, Thierry Frémaux, sur la demande du réalisateur, avait préservé le mystère. De quoi titiller comme il se doit le public cannois venu en nombre assister au nouveau long-métrage du cinéaste de Taxi Téhéran (2015).

Un soir, Vahid voit débarquer dans son garage un homme tombé en panne avec sa famille. Il croit alors reconnaître l’un de ses anciens bourreaux et décide de se venger. Dans sa quête, notre héros croise la route d’anciennes victimes, cibles, comme lui, du régime autoritaire d’autrefois.

Ensemble, ils vont embarquer dans un road trip rocambolesque dans les rues iraniennes afin de savoir s’il s’agit réellement de leur ancien tortionnaire. Ils n’auront, dans cette quête filmée à la manière d’une course contre la montre, pour seul indice que la cicatrice qu’arbore leur otage à la jambe.

Effet papillon

Tour à tour road trip drolatique, véritable drame sur la torture, voire film de super-héros version cinéma d’auteur, Un simple accident réussit le pari de mélanger les genres. Sans jamais tomber dans l’exagération d’un style précis, Jafar Panahi parvient à construire un scénario en forme d’effet papillon. D’un simple accident de la route va découler une quête de vengeance urgente et nécessaire pour nos protagonistes.

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Bande de bras cassés, sorte de misfits malgré eux, traumatisés par un système brutal, ils vont ensemble se serrer les coudes et combattre cette violence invisible. Car c’est aussi en cela que réside la force d’Un simple accident : évoquer la violence d’un régime sans jamais la montrer, et parvenir à la rendre tangible grâce à des mots, des regards et des émotions.

Dans ce récit intime, le cinéaste iranien parle aussi de l’histoire nationale et porte un regard engagé sur l’état de sa nation. À l’instar de metteurs en scène comme Saeed Roustaee avec Woman and Child ou Tarik Saleh dans Les aigles de la république, l’artiste évoque son pays. Dans une mise en scène minimaliste, il offre un film choc sur les conséquences d’une dictature, mais surtout sur la moralité humaine. Finalement, peuvent-ils faire subir à leur bourreau ce qu’ils ont traversé par le passé ?

Véritable dissection des traumatismes, Un simple accident est aussi un film salutaire pour son réalisateur. En dressant le portrait de tous ces personnages, il sonde aussi son passé. Arrêté avec sa famille, puis détenu en 2010 et en 2022 à la suite de plusieurs projets cinématographiques dénoncés par le régime, Jafar Panahi offre un long-métrage engagé et courageux. De quoi peut-être décrocher une Palme d’or.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste