Critique

Astérix et Obélix : la série de Chabat est-elle une version pour les Nuls ?

30 avril 2025
Par Thomas Ducres
Astérix et Obélix : la série de Chabat est-elle une version pour les Nuls ?
©Netflix

Inutile d’invoquer Toutatis pour savoir quelle est la série française la plus attendue du printemps. En réalisant pour Netflix Astérix et Obélix : le combat des chefs, Alain Chabat décroche le César du good buzz de l’année. Mais ces cinq épisodes d’animation 3D ont-ils vraiment le goût de la potion magique ?

Le saviez-vous ? En 1965, le premier satellite expédié par la France dans l’espace se nommait… Astérix. Un double événement, puisque le pays des Gaulois devient ainsi l’un des premiers au monde à réussir un tel exploit, mais aussi parce qu’il s’agit alors d’un incroyable hommage à la bande dessinée créée six ans plus tôt. Pile 60 ans après les faits, Alain Chabat refait décoller Astérix dans l’espace, non pas avec un satellite, mais avec la première série en animation consacrée aux héros de Goscinny et d’Uderzo.

La BD, l’idée fixe d’Alain Chabat

Aussi étonnant que cela puisse être, Astérix et Obélix n’avaient jusque-là jamais eu droit à leur propre série animée. Des dessins animés pour le cinéma ? Il y en a eu dix (dont les deux derniers signés Alexandre Astier, avec un record d’entrées pour Astérix : le secret de la potion magique). Des films ? Cinq, dont le meilleur de tous, Mission Cléopâtre, réalisé par l’ancien membre des Nuls. Mais pour les séries, c’était le grand désert égyptien.

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À tout seigneur tout honneur, c’est donc le même Chabat qui ouvre aujourd’hui le bal animé avec ce Combat des chefs produit pour Netflix avec l’aide de Fabrice Joubert (Les Minions, Moi, moche et méchant…) et du studio toulousain TAT (à qui l’on doit Les as de la jungle) pour la 3D. On n’est pour ainsi dire guère surpris de le retrouver à la coréalisation de cette production.

D’autant plus que la BD et lui, c’est un peu comme Obélix et son menhir. En effet, Chabat est tombé dedans quand il était petit. À 8 ans déjà, il écrit dans son carnet au CM1 qu’il deviendra un jour le successeur de Walt Disney. Au final, c’est raté, mais toute la carrière du roi de l’humour absurde transpire la bande dessinée.

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Fan absolu de Gotlib, dont il a adapté le Marsupilami au cinéma, Chabat, c’est aussi des connivences avec Joann Sfar (il a failli prêter sa voix pour l’adaptation du Chat du rabbin en 2011) et des journées entières à dévorer Fluide glacial, Métal hurlant ou encore Pilote, où fut justement prépublié Le combat des chefs en 1964. Comment dit-on « boucle bouclée » en gaulois ?

Une adaptation libre, mais fidèle

Avec 15 millions d’entrées à son actif pour Mission Cléopâtre (qui revient d’ailleurs sur Netflix), le Chabat de 2025 pouvait donc tout se permettre pour la série diffusée sur Netflix. Comme prendre son temps (l’œuvre est en développement depuis 2021), inviter tous les copains pour les doublages (dont Gilles Lellouche, déjà vu dans le costume d’Obélix dans l’adaptation ciné de Canet en 2023), réussir à placer une séquence dingue avec le Boombastic de Shaggy ou encore reprendre le scénario original de Goscinny en se permettant des ajouts et idées scénaristiques (Obélix dans une version garçon fragile, quasi relégué au second rôle). Tout ça sans jamais trahir le média original.

« Le génie d’Alain Chabat est de rester fidèle à l’album dans un respect du scénario de René Goscinny et des dessins d’Albert Uderzo, en ajoutant sa patte burlesque entre les cases. »nbsp;  Céleste Surugue, Directeur général d’Hachette Collections et des éditions Albert René en charge des droits d’Astérix et Obélix

Le pitch du Combat des chefs ? Fatigué que presque toute la Gaule soit occupée, à l’exception de ce fichu village de Gaulois, César décide d’envoyer Aplusbégalix, chef d’un village voisin passé sous bannière gallo-romaine, pour défier Abraracourcix. Et le vainqueur du duel pourra prendre le contrôle du village des vaincus.

A priori, pas de quoi affoler Astérix et Obélix… sauf que Panoramix a pris un menhir sur la tête. Frappé d’amnésie, le druide est devenu incapable de produire la fameuse potion magique. Et c’est là que les ennuis commencent.

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Chabat, lui, n’a pas oublié ses grands classiques. En empilant les références à la culture digitale, les traitements modernes (stop motion, bande-son complètement anachronique) et en les associant à son amour pour la BD (la texture de la potion magique fait furieusement penser au Hendrix psychédélique de Moebius), il parvient à dépoussiérer les précédentes adaptations en dessin animé sur grand écran, mais avec un respect quasi militaire pour la légende.

Le spectateur découvrira au passage un prequel dans l’épisode 1 qui le renverra en 78 avant Jésus-Christ, pour enfin comprendre comment Obélix est tombé gamin dans la marmite à potion magique. L’humour, dans la série ? Évidemment, qu’il y en a. Des noms connus, aussi.

Une série qui s’écoute autant qu’elle se regarde

Pas besoin d’arriver au générique pour comprendre que le casting des voix est un véritable banquet gaulois. Comme pour Mission Cléopâtre, le réalisateur s’est fait plaisir en invitant son gang, soit tout le gratin du cinéma français : Obélix est joué par Gilles Lellouche, Laurent Lafitte incarne César, Thierry Lhermitte est Panoramix. Et la liste est encore longue puisque sont aussi présents Anaïs Demoustier, Géraldine Nakache, Jean-Pascal Zadi, Chantal Lauby, Pio Marmaï et même Jérôme Commandeur dans le rôle de la mère de César.

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Quant à Chabat, il est cette fois la voix d’Astérix. Mais si le nom de certains des protagonistes (Touinepix, Dimilliondeclix) peut faire penser aux grandes années des Nuls et qu’il avoue avoir été autant inspiré par Star Wars que Spiderman: New Generation, on y retrouve surtout l’amour du réalisateur pour la BD. On est donc plus du côté du village des irréductibles Gaulois que du côté de La cité de la peur.

Évidemment fédératrice, sa version animée a donc peu de chances de décevoir les enfants. Quant aux plus vieux, ils pourront regarder par-dessus l’épaule sans avoir honte de déguster cette courte fresque – 30 minutes en moyenne pour cinq épisodes, plus aurait été trop. Conseil aux frénétiques du zapping de générique : merci de patienter, une surprise se cache derrière l’écran noir de l’épisode 5, et elle devrait plaire aux nostalgiques de Happy Tree Friends.

Petit manque de potion magix

Seul bémol dans cette minisérie, l’impression de retenue qui s’en dégage ; comme si Alain Chabat et Benoît Oullion (co-auteur du Burger Quiz) avaient dû mettre le pied sur la pédale de frein au moment de l’écriture. Si l’ancien Nuls réussit au final son exercice de style – avec notamment l’ajout d’onomatopées visuelles et quelques dialogues bien sentis – on peut néanmoins regretter le grain de folie qui fit le succès de Mission Cléopâtre.

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Le fait que les ayants droit de l’œuvre de Goscinny et Uderzo aient un droit de regard sur toutes les adaptations du Gaulois à moustache explique-t-il ce ton parfois trop consensuel ? Pas de quoi bouder cette adaptation d’Astérix et Obélix sur Netflix ; elle hérite d’un bon 7/10.

Astérix et Obélix : le combat des chefs, minisérie en cinq épisodes, dès le 30 avril sur Netflix.

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