Entretien

Entre les lignes avec Franck Thilliez

26 mai 2025
Par Nathalie Cordier
Entre les lignes avec Franck Thilliez

Nouveau format en partenariat avec Kobo, Entre les lignes vous propose pour cette première édition une interview de Franck Thilliez à l’occasion de la sortie de son dernier roman, À retardement. Découvrez ses livres préférés et ses conseils d’écriture dans ce riche entretien !

Votre intrigue est-elle planifiée dès le départ ou se construit-elle au fil de l’écriture ?

Franck Thilliez : « J’essaie de préparer au maximum l’histoire que je vais raconter donc je connais les gros événements, les gros rebondissements. En général, j’identifie très bien le début parce que ça commence assez fort, puis après j’ai des projections, des événements qui vont se passer et qui s’espacent au fur et à mesure. Plus je me rapproche de la fin et plus c’est flou mais quand même j’ai une idée de la trajectoire, donc j’essaie d’aller le plus loin possible comme ça.

Quand c’est un roman policier dans lequel il y a un crime, il y a forcément un tueur. Je sais pourquoi ce tueur existe, pourquoi il a tué, et je me dis qu’à la fin, on va l’attraper. Le but du roman, c’est de révéler tout cela. Alors je ne sais pas exactement comment ça va se terminer, s’ils vont l’arrêter, à quel moment, à quel endroit mais en tout cas je sais que j’aurais à révéler ce qui fait que le livre existe.

Comment maintenir le plaisir de lecture face à des thèmes sombres ?

C’est un peu comme un alpiniste qui grimpe le Mont-Blanc : la première fois, il a plein de sensations, c’est génial. Il redescend, puis à peine arrivé en bas, il se dit « Allez, j’y retourne, c’était tellement bien ! ».  En fait, c’est un peu ça l’écriture, on escalade une montagne mais on y retourne parce qu’il y a toute l’adrénaline au moment où on crée, où on invente et on fait vivre les personnages.

Que ressentez-vous en posant le point final d’un roman ?

Un immense plaisir ! C’est quand même un travail très conséquent et surtout, c’est de se dire qu’on est allé au bout, parce que dans le polar, dans le thriller, la fin est très importante. Les gens qui lisent attendent cette fin avec grande impatience. Lorsqu’ils débutent le livre, ils voudraient déjà connaître le dénouement. Donc il faut que cette fin soit à la hauteur.

Combien de temps avant que l’idée de l’eBook suivant n’apparaisse ?

Ça dépend mais en général, c’est deux ou trois mois. Quand je termine un livre, je n’ai plus rien à faire concrètement. Le lendemain, je me lève, je vais à mon bureau et je me dis que je n’ai plus rien à faire, j’ai terminé. L’arrivée d’une idée, c’est quelque chose qu’on ne contrôle pas. Il n’y a pas de règle, pas de secret. J’effectue des recherches, mais j’ignore ce que je recherche, je vais au hasard et si un sujet me semble intéressant, je vais creuser un peu si ça me parle. Mais je peux aussi renoncer et changer d’idée. C’est une phase importante car il s’agit des fondations du futur roman.

Vos conditions idéales pour écrire ?

J’aime bien être au calme, dans mon bureau, avec un environnement rassurant. J’ai besoin de me concentrer, j’aime les rites de la journée car il est important, quand on écrit un roman, de rester connecter avec son histoire, de ne jamais la lâcher.

Pourquoi avoir choisi d’ancrer À retardement dans l’univers psychiatrique ?

Lorsqu’on écrit des romans policiers, il y a un crime au début, un passage à l’acte. J’ai toujours été intéressé d’essayer de comprendre ce qu’il pouvait se passer dans la tête de quelqu’un qui, à un moment de sa vie, va commettre un crime. J’avais envie de m’emparer du sujet de fond, et parler de la psychiatrie et de la folie dans À retardement.

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Comment avez-vous créé l’atmosphère angoissante de l’hôpital ?

J’ai eu l’opportunité d’aller dans une UMD, Unité pour Malades Difficiles. C’est le lieu le plus fermé de la psychiatrie, il n’y en a que 11 en France, avec très peu de patients. J’avais une image très noire de ce lieu après avoir vu quelques reportages assez sensationnels, avec des gens qui hurlent, par qui on craint d’être tué si on entre à l’intérieur… Ce n’était que des clichés car la réalité est très différente de l’image que l’on peut avoir de ces endroits, de la folie ou de la maladie mentale, de la manière dont on la soigne aujourd’hui. C’est ce que j’essaie de retranscrire au plus près dans le roman.

Que vous ont appris les ateliers d’écriture de l’UMD ?

Ces ateliers étaient incroyables : j’avais quelques patients, avec du monde autour. L’expression était très peu verbale mais quand ils se sont mis à écrire, des choses incroyables sont apparues. Ce qui montre bien le pouvoir de l’écriture. Au-delà des ateliers, j’ai pu échanger avec quelques patients car je voulais mieux comprendre ce que l’on peut ressentir lorsqu’on est prisonnier de sa maladie, d’un lieu fermé en étant le plus réaliste possible.

Qu’est-ce qui vous fascine dans la maladie mentale ?

Le cerveau est son propre ennemi ! Par exemple, un schizophrène a la moitié du cerveau qui veut lui faire commettre des actes abominables pendant que l’autre moitié lui indique qu’il ne faut surtout pas le faire. C’est un combat permanent, ce qui permet de créer des personnages de roman complexes. Au moment des crises, des actes sont commis, il peut y avoir meurtre. Ça peut créer le nœud d’une intrigue policière, tout en se demandant si la personne l’a fait intentionnellement ou bien si c’est la maladie qui a pris le dessus, ce qui détermine la responsabilité ou non du criminel.

La pile à lire de Franck Thilliez

Deux eBook à retenir dans votre pile à lire

Misery de Stephen King. C’est l’auteur de mon adolescence, grâce à qui je me suis plongé dans les thrillers et les histoires d’horreur. C’est l’histoire d’un écrivain qui se retrouve enfermé dans une chambre par une infirmière un peu effrayante et qui va le forcer à réécrire un livre car elle est complètement fan. C’est une histoire d’enfermement, un huis clos par excellence qui m’a beaucoup marqué et même trente ans plus tard, j’ai encore des images très fortes de ce livre. Un vrai coup de cœur pour ceux qui aiment se faire peur !

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La Route de Cormac McCarthy. C’est un roman qui m’a marqué par son style d’écriture très poétique. Un père et son fils vont cheminer le long d’une route afin d’aller vers un endroit plus sécurisant. Il faut savoir que le monde a été dévasté, réduit à néant. Les dangers sont nombreux, c’est un monde de prédateurs… Il s’en dégage des émotions incroyables. C’est un grand livre, avec une tension très forte.

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Vos 3 ingrédients pour un bon thriller ?

Il faut un début super accrocheur. Un personnage qui va générer de l’empathie, que l’on va avoir envie de suivre immédiatement. Et une bonne histoire !

Pour ou contre ?

Lire la fin avant de commencer : je suis contre car je n’aime pas qu’on le fasse sur mes livres en tant qu’auteur

Abandonner une lecture : pour, il y a beaucoup de livres à lire donc si ça ne plaît pas, on change

Les fins ouvertes : pour, il m’est arrivé d’en faire

Plutôt ?

Agathe Christie ou Georges Simenon ? La reine du crime, c’est Agatha Christie

Poe ou Lovecraft ? Poe

Grangé ou Vargas ? Grangé

Millenium ou Gone Girl ? Gone Girl

Seven ou Le Silence des agneaux ? Impossible de choisir ! Bon, Seven…

Ne plus jamais lire ou écrire ? Non, je ne peux pas répondre à ça… Ne plus jamais lire parce que je peux continuer à écrire et je pourrais lire mes propres livres ! Je peux faire les deux en fait… »

Article rédigé par
Nathalie Cordier
Nathalie Cordier
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