
Accompagné d’un live band convaincant, Pachyman était de passage en France pour défendre « Another Place », son nouvel album. Une seule et unique date qui a ravi un public friand de reggae instrumental et de dub « à l’ancienne ». Vous n’y étiez pas ? L’heure est donc venue de faire les présentations avec ce truculent musicien portoricain hors-cadre et fada de gros son.
Une ligne de basse élastique, des percussions branchées sur chambre d’écho, des reverb’ comme s’il en pleuvait, un riddim accrocheur et toujours un petit mot dans le micro, accent hispano sans en faire trop. Pachyman – Pachy Garcia de son véritable nom – n’est pas jamaïcain. Pourtant, cet homme-orchestre aujourd’hui installé en Californie puise son inspiration et ses influences non seulement sur l’ile qui a vu naitre King Tubby, Scientist, Lee Scratch Perry et consorts, mais aussi dans le reste des Caraïbes, étant lui-même originaire de Puerto Rico.
On l’avait découvert il y a quelques années avec son troisième album (The Return Of Pachyman), le premier à trouver une distribution correcte de ce côté-ci de l’Atlantique. Dub & rub-a-dub moulés dans la tradition des artisans du genre qu’étaient Scientist, Jammy’s ou King Tubby dans les années 70 jusqu’au début 80. Un âge d’or où les studios de Kingston tournaient 24h/24h. Une époque où les musiciens de session avaient les mains libres pour optimiser les bandes analogiques qui, elles aussi, devaient tourner en boucle. Avant que les machines ne remplacent plus ou moins ces mêmes musiciens et façonnent nos oreilles à grand coup de digital.
Mais si Pachyman aime le travail de studio et de production qu’il élève à un niveau assez stupéfiant quand on sait qu’il fait quasiment tout en solo, cet artisan est aussi plein de bonnes idées pour ce qui s’apparente à son univers visuel (pochettes d’albums, videos, scénographie live…). Un univers qui brouille les pistes avec malice. Car alors que sa musique est clairement affiliée aux vibrations du reggae et du dub, l’univers singulier du bonhomme pourrait rappeller l’esthétique rétro d’un groupe comme Khruangbin.
Iconoclaste, on a aussi découvert qu’il avait une vie artistique en dehors du reggae et du dub avec Prettiest Eyes, un groupe aux accents punky qui vit le jour à son arrivée à Los Angeles dans les circuits de l’indie-rock-garage.
A l’heure ou parait son nouvel album, Another Place, pour lequel il s’est embarqué dans une tournée mondiale monumentale, on a profité de son passage parisien pour lui poser quelques questions et en apprendre toujours un peu plus sur ce talentueux musicien/multi-instrumentiste/producteur/chanteur/ingénieur du son (oui, oui, tout ça à la fois). Interview.
On est plutôt habitué à voir les musiciens portoricains ou d’origine portoricaine embrasser des genres de musique comme la salsa, la plena, bomba ou encore ce fameux reggaeton qui résonne partout sur la planète. Pourquoi as-tu choisi le dub ?
J’écoute et je suis fasciné par cette musique depuis que je suis très jeune. Contrairement aux idées reçues, il existe à Puerto Rico une scène reggae très dynamique et prospère, avec pas mal de groupes et ce depuis pas mal d’années. J’en ai fait partie avant de m’installer à Los Angeles.
J’ai toujours eu un intérêt pour cette musique et la jouer aura fait partie de mon éducation musicale. J’ai voulu explorer en profondeur certaines branches, particulièrement les trucs des seventies. La production et l’enregistrement me fascine, du coup, je m’y suis mis sans plus d’ambition que ça. Au final, les gens ont rapidement aimé à ce que je faisais. J’ai donc décidé de passer à la vitesse supérieure et de voir ce qui se passerait.
Tu enregistres intégralement tes albums en jouant tous les instruments. Est-ce le cas pour ce nouvel album, Another Place ? Ou est-ce que comme pour les concerts de cette tournée, tu as fait appel à des musiciens ?
Rien n’a changé, je conserve exactement la même formule. Je joue, j’enregistre, j’écris, je produis, je mixe tout intégralement. Et a priori, je vais rester sur ce mode-là pour le moment.
En concert en effet, j’ai fait un autre choix. Je joue en ce moment avec un quartet et c’est super de les voir apprendre mes morceaux et de quelque part se les approprier.
Another Place sonne peut-être un petit peu moins léger et joyeux que ton précèdent disque, Switched On. Cela a-t-il un rapport avec la politique que l’on observe actuellement aux Etats-Unis, le pays où tu vis aujourd’hui ?
Pas nécessairement, mais l’état actuel du monde a certainement un effet important sur moi et ma musique par ricochet. Mais j’ai toujours été friand de ces trucs un peu sombres, heavy ou dark, à l’image d’autres projets plus « rock » auquel je participe aussi. J’ai senti que je m’en éloignais un peu ces derniers temps. Et cette fois, j’ai eu envie de reconnecter avec cette vibration, ce feeling, cette sorte de pesanteur.
Tu sembles aussi très attaché aux visuels, à épouser un univers graphique particulier. Considère-tu le graphisme comme devant être au même niveau d’importance que ton travail autour du son ?
Absolument ! Je pense que tous les éléments visuels de la musique doivent être pris aussi sérieusement que la musique elle-même. Je sais que c’est beaucoup de boulot et beaucoup de temps passé, avec le risque parfois de vouloir faire un truc inaccessible. Mais j’ai une chance inouïe d’être entouré par des artistes que j’aime et que j’admire profondément. Beaucoup sont même devenus des amis proches. Travailler ensemble sur des visuels « arty » pour servir ma musique est quelque chose qui me plaît énormément. Pour cet aspect-là de mon projet Pachyman, j’adore laisser le champ libre, les laisser faire leur truc comme ils le sentent.
Dans nos magasins Fnac et sur Fnac.com, on conseille évidemment tout un éventail d’albums à nos clients. Quels seraient les trois vinyles que tu conseillerais ?
Scientist – Rids The World of the Evil Curse of The Vampire
The Slits – Cut
Boards Of Canada – Geogaddi
Propos recueillis à Paris par Julien D. en juin 2025.
Merci à Pachy Garcia & Michel « Fargo » Pampelune